Découvrez tout ce qu'il faut savoir sur le vin utilisé par les prêtres pour la messe : d'où vient-il ? Quelle est sa couleur ? Quelles règles régissent son élaboration...?
Va manger ton pain dans la joie et boire ton vin dans la gaieté, puisque Dieu prend déjà plaisir à ce que tu fais ! (Ecclésiaste 9:7). Les versets bibliques sont truffés de références à la vigne mais aussi au vin, une boisson qui fait partie intégrante de la culture judéo-chrétienne depuis deux millénaires.
Pendant la messe catholique, on mêle dans un calice de l'eau et du jus de raisin fermenté (environ 5cl). Une fois les paroles de Jésus prononcées, "Ceci est mon corps, ceci est mon sang...", le liquide dans le calice est consacré, il ne s'agit plus de vin mais du sang du Christ.
Quelle est la définition du vin de messe ?
Quel vin peut utiliser le prêtre pour sa messe, qu'il célèbre généralement quotidiennement? "À ce sujet, le droit canonique nous donne deux indications. Le vin doit premièrement être exclusivement issu de la fermentation de raisin, et deuxièmement doit être un jus "naturel"... autrement dit, le vin doit être exclusivement issu du fruit de la vigne et contenir le moins d'intrants possibles (levures exogènes, sulfites, colle à l'œuf...)", explique Gabriel Teissier, directeur du développement de l'abbaye du Barroux.
La définition du vin de messe se rapproche ainsi de celle des vins dits "naturels", élaborés selon le cahier des charges des labels Vin Méthode Nature ou S.A.I.N.S. (Sans Aucun Intrant Ni Sulfite). Mais dans les faits, peu de vins de messe sont en réalité pourvus d'un tel label environnemental...
Ce cadre assez flou, du moins pour l'univers viticole habitué aux AOC/IGP, ouvre finalement la porte à l'ensemble des vins pour la messe. La règle du vin le plus "naturel" possible n'est que peu prise en compte par les prêtres, puisque le droit liturgique marque une différence entre ce qui est valide, autrement dit pré-requis (un vin à base de raisin) et ce qui et licite, ou autorisé. Le "naturel" peut ainsi être interprété de différentes manières : le raisin est par définition un produit naturel, peu importe qu'on y ajoute des éléments exogènes. On peut donc célébrer une messe avec un vin gorgé de pesticides.
Comment est choisi le vin de messe ?
Les prêtres peuvent s'approvisionner en vin auprès de producteurs qui se spécialisent dans ce type de produit, ou auprès de tous les vignerons puisqu'il n'est pas interdit au prêtre de choisir son vin de messe pour des raisons "profanes", à savoir le plaisir personnel qu'il tire de la dégustation d'un vin particulier.
En revanche, des considérations pratiques déterminent souvent le type de vin choisi. À raison de cinq centilitres de vin par jour pour la messe, il faut que le liquide puisse rester viable deux semaines après son ouverture. Les vins blancs liquoreux ou vins doux sont ainsi privilégiés, ainsi que les vins doux naturels même si leur élaboration (avec ajout d'eau-de-vie de raisin pendant la fermentation) est discutable sur le plan "naturel". De surcroît, la messe étant célébrée le matin, il est toujours plus agréable à ces heures de porter un liquide sucré à ses lèvres plutôt qu'un vin sec.
Vin de messe, vin business ?
Un prêtre a besoin de cinq centilitres de vin pour sa messe quotidienne. Multiplié par sept, cela représente 35 centilitres de vin par semaine, soit environ une demi-bouteille de vin. À l'année, c'est l'équivalent d'un peu plus de 24 bouteilles de vin bues par l'ecclésiaste, juste pour un usage religieux ! En 2019, on dénombrait 13.775 prêtres en France, un chiffre en baisse constante depuis 70 ans (en 1995, ils étaient 28.694). Avec ces données, on évalue le marché du vin liturgique à environ 300.000 bouteilles achetées par an en France. C'est une goutte d'eau dans l'océan du vin, mais qui n'empêche pas certains domaines ou coopérateurs d'y consacrer une cuvée avec plus ou moins de souplesse dans l'interprétation du droit canonique.
Les vins liturgiques sont-ils officiellement reconnus ?
La notion de vin liturgique n'existe que pour les institutions religieuses. Les termes "vin de messe" ou "vin liturgique" ne font l'objet d'aucun label, ni même d'aucune reconnaissance légale. La DGCCRF (répression des fraudes) indique que ces expressions sont associées à un nom de cuvée. Il n'y a ainsi aucune restriction sur sa couleur, sa région de production, son profil organoleptique, son âge... N'importe quel producteur peut ainsi élaborer et commercialiser un vin soit-disant pour la messe, en mentionnant son origine (AOP, IGP...) comme pour toutes les bouteilles de vin. Ensuite, libre au prêtre de choisir un vin estampillé "vin de messe" ou un tout autre vin...
Le domaine La Rebellerie L'Arche, en Anjou, présente un coteaux-du-layon "élaboré spécialement pour le service de l’autel selon les règles du droit canon". Le maître de chai Quentin Fabre explique en outre prendre en compte la maxime du XVème siècle du "vin loyal et marchand", en proposant une cuvée de liquoreux en mono-cépage, sans chaptalisation. Mais selon lui, le vin prend surtout sa dimension chrétienne par une main d'œuvre viti-vinocole composée presque uniquement de personnes en situation de handicap.
Quelle est la couleur du vin de messe ?
Blanc ou rouge ? On devine le vin de messe de couleur rouge, pour rappeler le sang versé du fils de Dieu. Que nenni ! Il est, à quelques exceptions près, issu de raisins blancs, et cela pour des raisons pratiques. Le prêtre célébrant la messe en blanc, il serait en effet malencontreux de renverser quelques gouttes du nectar rouge sur son chasuble...
Peut-on boire du vin de messe à l'apéritif ?
Le vin de messe garde son statut de vin avant d'être consacré. Il est tout à fait possible pour le prêtre de boire le vin qu'il utilisera pendant sa messe, sous la tonnelle lors d'un apéritif. En revanche, une fois consacré, il est formellement défendu de boire le sang du Christ à l'apéro !
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